samedi 21 avril 2012

Sérieusement.

Je lance un appel aux journalistes. Dites-nous que c'est un hasard.

S'il vous plait.

Convainquez-moi.

Convainquez-moi qu'on ne doive rien déduire de l'oubli du journal Métro de remettre la photo de Mélenchon et Bashar Al Assad dans son contexte à un moment de la campagne où plus aucun démenti n'est publiable.

Expliquez-moi que le tir coordonné de tous les medias de droite et de gauche contre le Front de gauche ne répondait à rien d'autre que la bonne conscience des éditocrates, et que l'oubli de mentionner le meeting de jeudi soir où nous étions 60 000 personnes tout en vantant les meetings à moins de 5000 de Bayrou et Lepen est une malencontreuse erreur.


Donnez-moi les vraies raisons qui ont poussées Hollande et Sarkozy à organiser des meeting en plein air sur le modèle du Front de gauche, alors que celui-ci ne l'avait fait que par l'impossibilité financière de louer des graneds salles.
Donnez-moi les vraies raisons qui ont poussé Hollande à vouloir tout d'un coup taxer les plus riches, et hier à prétendre qu'il désirait que la BCE prête aux Etats, soit deux idées tirées directement du programme de Mélenchon.
Donnez-moi les vraies raisons qui ont poussé Sarkozy à vouloir poursuivre les évadés fiscaux et à remettre en cause l'indépendance de la BCE, soit eux idées tirées directement du programme de Mélenchon.

Dîtes pourquoi ces deux candidats nettement en avance dans les sondages se sentent obliger d'improviser, dans la plus grande panique, des copies des idées d'un homme dont ils ne devraient avoir rien à craindre.

Dîtes pourquoi Sarkozy s'est déclaré indifférent au fait que des media et réseaux sociaux violent la loi et propagent les premiers résultats en avance dimanche, comme s'il anticipait un danger qui nécessiterait de mobiliser ses électeurs en fin de journée.

Dîtes-nous, expliquez-nous, convainquez-nous qu'il n'y a aucun rapport avec cette rumeur d'enquête de la DCRI plaçant Mélenchon à un point d'écart potentiel de Sarkozy dimanche soir, rumeur qui aurait fait paniquer tous les milieux bien informés (politiques et médiatiques.)


S'il vous plait.
Parce qu'on est samedi matin, et j'aimerais bien qu'on me convainque que l'éléphant que j'ai trouvé assis sur mon ordinateur n'est qu'une hallucination.

mercredi 11 avril 2012

Comment quitter l'empire du Milieu


Dieu, s’il existe, saurait que j’étais plutôt programmé pour le centrisme. 

Le doute systématique et la méfiance vis-a-vis des extrêmes qui est prêché à Sciences-Po ne me prédisposait pas au stalinisme décomplexé. Oh, j’ai toujours été de gauche, mais que voulait dire être de gauche dans les années 2000 ? Economiquement, le libéralisme avait conquis l’univers et ne restait comme unique champ de bataille que le terrain des mœurs. Alors on votait contre la vilaine droite réactionnaire. Le deuxième bulletin de vote de ma vie a été pour Chirac, pour faire barrage à Lepen. Le troisième a été pour Bayrou, pour faire barrage à Sarkozy. Le quatrième pour Royal, avec le même but. Avec un peu plus à chaque fois l’impression de brader son âme.
A la même époque, j’entrais par la petite porte dans le monde de l’édition. Mes dernières années à Sciences-Po auprès de professeurs désabusés m’avaient convaincu de la vanité dans la période actuelle de l’engagement politique et journalistique auquel j’aurais pu me destiner. Mais quand l’économie est devenue une science dure, uniquement affaire d’expert, que le politique n’a plus d’autre problème à régler que le mariage gay, et qu’il est de notoriété public que plus personne ne gagne sa vie ni ne peut correctement faire son travail dans le journalisme, l’édition de BD devient, pour un jeune homme, un métier aguicheur.

J’ai trottiné comme ça jusqu’en 2008, quand les banques ont explosé.

Au début, j’ai suivi ça de loin, sans penser pouvoir comprendre ces histoires de subprime, de lémanebrozeurs et de produits dérivés. Comme tout le monde. Je n’ai pas été surpris quand il a fallu sauver les banques alors que l’Etat était déjà soi-disant en faillite : même dépolitisé, je m’attendais quand même à ce que les gouvernements conservateurs, toujours renâclant aux dépenses sociales, trouvassent miraculeusement des sous pour leurs amis banquiers. Mais ça n’allait pas plus loin et je gardais pour acquis, au regard de mes années d’études, de mes dizaines d’exposés et des nombreux cours sur le sujet, que les Etats, aujourd’hui, ne pouvaient pas tout.

Et puis j’ai vu les montants donnés aux banques, et comme tout le monde, je me suis brutalement demandé si on ne s’était pas foutu de ma gueule pendant dix ans.

Les milliers de milliards débloqués en une nuit ont brutalement mis par terre les bases de ma pensée unique. J’ai pris conscience qu’il y avait quelque chose de basique, de fondamental dans cette histoire, que je n’avais pas compris, ou pas appris.

Or la crise a cette vertu qu’en démontrant l’incompétence des tenants de la pensée unique, elle laisse un champ libre pour ceux qui jusqu’ici ne pouvaient que difficilement faire passer leurs analyses. Le déclic, ce fut lui. Frédéric Lordon, chercheur au CNRS, tenant de l’économie régulatrice, exprime avec un vocabulaire fleuri et une précision notariale les origines de nos souffrances. Celles-ci avaient une explication économique qui trouvait ses racines dans les failles essentielles du capitalisme, bien sûr, des failles théorisées depuis longtemps par des penseurs comme Marx et Keynes. Malgré tout, nous avions été pris par surprise comme un général français à Sedan, et c’était là pour moi le cœur du problème.

Pourquoi, puisque tant d’analystes et de chercheurs connaissaient les défauts du système, n’avons nous rien vu venir ?

Et la réponse que j’ai trouvée auprès de Lordon, d’Emmanuel Todd, de Jacques Sapir, des auteurs des « Nouveaux chiens de garde » et de « L’oligarchie des incapables » et à travers eux de Bourdieu et de Marx a été glaçante. Tous ces auteurs ont fait l’analyse sociologique et ethnologique des milieux professionnels des experts, journalistes, politiques, économistes vulgarisateurs et universitaires qui théoriquement auraient dû jouer le rôle de la sirène d’alarme dans cette histoire. La conclusion n’était pas une théorie du complot. C’était pire.  C’était une infirmité de classe. Un aveuglement global, ontologique, d’une classe dirigeante qui fonctionne en vase clôt depuis un bon siècle, et qui est devenue fondamentalement incapable d’analyser objectivement le système capitaliste tant ses intérêts y sont liés dans des réseaux professionnels, familiaux et amicaux.

En gros je découvrais que les théories que j’avais dans mes jeunes années classées comme certes, intéressantes et importantes du point de vue historiographique, mais légèrement paranoïaques et conspirationistes, s’avéraient objectivement fondées.

Et dans cette même foulée, je comprenais que sociologiquement et idéologiquement, les socio-démocrates actuels venaient du même moule, s’étaient à force de gouverner liés aux mêmes intérêts que les autres. Je prenais conscience de toutes les forfaitures de la gauche modérées dans l’Histoire du XXe siècle.

Alors la pourriture du système devient autrement palpable. Mais j’aurais toujours pu voir ça comme un exercice de long terme et donner dans le « réalisme » à court-terme. Continuer à soutenir le moins pire. Voter PS quand même en espérant, lentement, faire changer les choses.

Perdu. Il y avait la Grèce. Le grand laboratoire du libéralisme, là où le stade ultime du capitalisme réalise enfin son rêve : démembrer et anéantir concrètement un Etat. Ca se passe aujourd’hui. Pas loin. Ca a commencé en Espagne et en Italie.


En août dernier, seuls deux hommes portaient ces inquiétudes et leurs proposaient des solutions : Montebourg et Mélenchon (je ne compte pas Marine Lepen : les héritières multimillionnaires machistes, racistes, islamophobes, homophobes et ultracatho sont intrinsèquement contre-révolutionnaires, qu'elles soient néo-libérales ou pas.)
Montebourg est hors-course. Alors je vote Mélenchon. J’ai décidé cela avant même de l’avoir vu sur scène, avant d’avoir vécu la foule de la Bastille. Je vote pour le parti qui porte les idées des économistes atterrés, ceux qui avaient tout prévu et que personne n’avait écoutés. Je vote pour le parti de gauche qui ne parle ni de faire le communisme, ni de se soumettre à l’économie de marché, mais de la République, souveraine et démocratique, qu’il faut rétablir.

Pourtant je lis les journaux, je lis Jacques Julliard dans Marianne, et j’apprends qu’en réalité, moi et les autres électeurs du Front de gauche  ne sommes pas des électeurs mais le public d’une rock-star. J’apprends que le programme du Front de gauche est un programme qui « donne du rêve » alors qu’il y a un programme politique précis. Que Mélenchon « séduit la foule » alors que les rassemblement du Front de gauche étaient pleins à craquer avant même que les talents de tribuns de Mélenchon soient reconnus par la télé (probablement des gens qui passaient par là par hasard.) J’apprends que nous sommes la gauche « pas sérieuse » alors que nous avons, en premier, chiffré les recettes et les dépenses de notre programme.

J’ai perdu mes dernières illusions sur le monde des journalistes. Ils voient une scène, un type qui parle, des gens qui sont venu le voir à leur frais et qui applaudissent : c’est une rock star. Il voient une scène, un type qui parle, et des gens à qui un parti politique a payé le billet train qui baillent au premier rang : c’est un meeting politique. Voilà l’étendue de leur imagination.
Deuxième étape : la rock star réuni plein de monde en plein air. Hitler aussi réunissait plein de monde en plein air. Donc les réunions en plein air, c’est nazi. Voilà l’étendue de leur vision politique.

C’est n’est même pas de la mauvaise volonté. Ce n’est même pas de l’incompétence. C’est la bêtise pure et simple de gens qui ont le nez dans le guidon depuis tellement longtemps qu’ils ne sont plus habitués à penser. Ils n’écrivent plus leurs articles, ils les génèrent comme un programme informatique génère un fichier : sans regarder ce que c’est. Ils oublient la première leçon du chercheur : rien n’est évident, rien n’est acquis  – et le « bon sens » n’existe pas.
Et quand le candidat du Front de gauche s’accroche avec l’un d’entre eux, ou critique le système médiatique dans son ensemble, c’est  au niveau personnel que chacun se sent attaqué, comme le prouve la virulence des réactions. Admettre que l’un d’entre eux puisse mal faire son travail, c’est admettre explicitement ce secret de polichinelle qui les mine tous : plus aucun journaliste en France n’arrive à travailler correctement, et tous le vivent mal.
Ils se réduisent à un groupe de gens qui, ne pouvant plus accomplir ce sacerdoce qui définissait leur utilité publique, en conçoivent une grande culpabilité et une infinie susceptibilité. Et comme souvent, de telles personnes finissent par dire n’importe quoi.


Non, mes amis journalistes, Jean-Luc Mélenchon ne me fait pas rêver.

Il ne me « donne pas du rêve » non plus. Vous avez une curieuse idée du rêve.
Tolkien m’a donné du rêve. Lucas m’a donné du rêve. Dan Simmons m’a donné du rêve, à l’époque où il écrivait des histoires au lieu de dénoncer les étudiants palestiniens. Hergé a donné du rêve. Spielberg a donné du rêve. Toriyama a donné du rêve.

Il se trouve que je n’ai envie de voter ni pour Tolkien, ni pour Lucas, ni pour Hergé, mais que je vais voter pour Jean-Luc Mélenchon. Qui, lui, ne me donne pas du rêve.

Il donne de l’espoir et de l’ambition, et les enfants, ce n’est quand même pas la même chose.

mercredi 4 avril 2012

Réponse à Le Monde...


Petit billet spécial, rédigé rapidement et sur un coup de sang par rapport à un chapelet d'article du Monde. Le journal centriste (donc ni de gauche, ni de gauche) a déployé un tir d'artillerie sur le Front de Gauche et son candidat aujourd'hui. Ceci est ma réponse à l'article ici-présent, qui sous des airs de ne pas y toucher attaque maladroitement les propositions du FdG. N'étant pas abonnés au Monde et ne pouvant pas commenter l'article, je pose ici ma réaction et mes réponses.


"Le programme économique du Front de gauche, est inapplicable", estime Gérard Collomb. Le maire PS de Lyon fait partie des voix qui se sont élevées ces derniers jours pour critiquer le manque de crédibilité supposé du projet de Jean-Luc Mélenchon. Il "manque de réalisme" et "va générer des désillusions", a renchéri le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, dans Les Echos. A droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole de Nicolas Sarkozy, a employé un argument similaire : le candidat du Front de gauche "promet la faillite", comme enGrèce et en Espagne.
Mais M. Mélenchon rechigne à se prêter à l'exercice du chiffrage. "La question a toujours été pour moi un sujet d'ébahissement. L'économie c'est de la plomberie !",répondait-il, en septembre, à ceux qui lui faisaient remarquer que le financement de ses propositions restait assez flou.
Son projet (en PDF) ne précise d'ailleurs pas le montant exact des dépenses et des recettes prévues. "Un programme de ce type ne se chiffre pas aussi facilement que ça", se défend sa porte-parole, Clémentine Autain. "Et les autres candidats, on leur demande autant de précisions ?", s'agace Eric Coquerel,conseiller spécial du candidat du Front de gauche
Lire aussi : Quelles convergences entre le Front de gauche et le PS ?Rétablissement "tout de suite" de la retraite à 60 ans à taux plein, smic porté à 1 700 euros brut, remboursement à 100 % de toutes les dépenses de santé ou création de 500 000 places de crèches publiques... L'ensemble des réformes de M. Mélenchon aurait un coût pour l'Etat qui s'élèverait à plusieurs dizaines de milliards d'euros. Mais alors que Nicolas Sarkozy ou François Hollande jugent inévitable de réduire les déficits et les dépenses publiques afin d'atteindre à terme l'équilibre du budget, lui n'endosse pas l'objectif d'austérité et assume un programme dépensier.
Côté recettes, le Front de gauche assure avoir prévu les mesures nécessaires pour financer ses propositions. Le montant total des dépenses étant évalué à 120 miliards et celui des recettes entre 150 et 200 milliards d'euros. Mais l'application de certaines mesures pourrait ne pas être constitutionnelle. Décryptage des principales dépenses - pouvant être chiffrées - et de leur financement.

Ah bon. Je croyais qu'il n'y avais aucun chiffrage. Mince. Donc, hors relance de la croissance, et toutes choses égales par ailleurs, le Front de Gauche estime pouvoir réunir entre 150 et 200 milliards d'euros pour financer ses réformes. Donc ça va, alors, non ?

OUI MAIS CERTAINES MESURES POURRAIENT NE PAS ÊTRE CONSTITUTIONNELLES.

Là, ma tête vient de trouer la table. Est-ce que quelqu'un au Monde a remarqué que le Front de Gauche se bat depuis le début pour une VIe République ? Donc pour une nouvelle constitution ? Que ça faisait peut-être partie d'une cohérence globale ?
A partir de là, tous les arguments font donc exprès de tronquer la première et principale revendication du FdG et expliquent chaque mesure sans tenir compte de ce contexte de changement de république. 

Ouvrez le ban.

  • La retraite à 60 ans : 40 milliards d'euros
Le programme du Front de gauche (voir page 7 du PDF) prévoit de rétablir le "droit à la retraite à 60 ans à taux plein", en assurant une pension s'élevant à "75 % du salaire de référence". La pénibilité de certaines professions sera prise en compte et donnera droit à des départs anticipés. Aucun salarié ne touchera de retraite inférieure au SMIC, est-il également promis.
L'ensemble de ces mesures coûteraient 33 milliards d'euros en 2017, après une montée en charge progressive de la réforme tout au long du quinquennat, selon le chiffrage effectué par l'Institut Montaigne, un cercle de réflexion libéral.
Le Front de gauche, qui précise que "le financement des retraites sera assuré en particulier par une cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises", ne conteste pas ce chiffrage. Au contraire. Interrogé sur les mesures pour les retraites, Eric Coquerel avance une évaluation de 40 milliards d'euros annuels. Une estimation supérieure de 7 milliards à celle de l'Institut Montaigne, groupe de réflexion libéral.


  • Le smic à 1 700 euros brut : "très cher" pour l'Etat
Dans son programme, le Front de gauche promet une augmentation du salaire minimum à 1 700 euros. Brut en début de mandat pour 35 heures, net à la fin (voir en PDF). M. Mélenchon a affirmé que cette vieille revendication de la CGT serait la première mesure de son quinquennat et serait prise "par décret".Relever le smic - actuellement à 1 398 euros brut mensuels à temps plein - à ce niveau, suppose une hausse immédiate de 21,6 %, souligne Les Echos. En net, chacun des 3,4 millions de salariés au smic toucherait ainsi quelque 1 300 euros par mois, soit 200 de plus qu'aujourd'hui. Pour atteindre 1 700 euros net, il faudraitrevaloriser le smic de 5 % environ chaque année, selon le journal économique.

21%, comme en 81. Et on en est mort. Ah, non, en fait.

Estimant la mesure "difficile à chiffrer", Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), assure qu'"elle coûterait très chère à l'Etat". Selon lui, la mesure causerait "un choc budgétaire important" car elle aurait pour effet d'augmenter les allègements de charge en vigueur pour le smic.
Aujourd'hui, environ 10 % des salariés touchent le smic et près d'un quart entre 1 et 1,2 % son montant. Partant de ce constat, l'économiste estime que la proposition du Front de gauche risque d'engendrer un "important tassement des salaires" et d'aboutir à un résultat inverse à celui recherché. Provoquant une hausse du coût du travail des emplois au smic, elle pourrait augmenter le taux de chômage de ceux qui ont le moins de qualification, souligne Mathieu Plane.

Il faut se relire quand on rapporte l'analyse de quelqu'un d'autre. Ce qu'a dit Plane, c'est SOIT l'augmentation du SMIC est totalement à la charge de l'employeur et les emplois non-qualifiés en pâtissent, SOIT elle est accompagnée par une adaptation de la fiscalité, notamment pour les PME, et le budget de l'Etat prend cher. Entendu que dans les deux cas, on parle de risque et non pas de mécanismes économiques certains. Or, quand on parle du SMIC, on parle d'une petite partie du secteur économique. 10% des salariés le touchent, c'est dit dans l'article. Entre 30 et 40% de ces salariés sont à temps partiels (oui, souvenons-nous que le SMIC est un salaire horaire et pas mensuel.) Sur l'ensemble des salariés payés au SMIC, 15% sont dans la réparation automobile (les garages, donc), 35% dans l'hébergement et la restauration (vous savez, le secteur qui a une TVA qui manque), 11% dans les activités immobilières, et le reste est dispatché entre les activités de service, l'administration et le BTP. Donc on parle de secteurs lourds, non-délocalisables, et d'utilité collective. Les problèmes d'ajustements à très court terme seront donc concentrés dans une partie de l'économie du pays. L'Etat français sera en mesure de s'organiser avec les entreprises pour lisser leur effort sur les premiers mois. Pendant ce temps-là, les 200 euros par mois débarqueront sur les fiches de paie des salariés dès les premiers jours. L'effet de boost de l'économie sera immédiat. Oh, et à ceux qui craignent une dilution de la demande dans les produits d'importation comme en 81 : mettez-vous à jour. Ce n'est plus le même pays, ce n'est plus le même niveau de pauvreté. Ce que les pauvres vont acheter avec le nouvel argent, c'est de la nourriture, du logement, bref le nécessaire qui leur manquait jusqu'ici. Pas des machine-outils allemandes.
Quand à l'histoire du "tassement des salaires", j'y reviendrai à la fin de mon post


Le coût serait d'autant plus élevé pour l'Etat qu'il faudrait aussi revaloriser le traitement des fonctionnaires qui gagnent aujourd'hui moins de 1 700 euros.Augmenter les 700 000 agents de la fonction publique coûterait 2 milliards par an, selon le Front de gauche. Dans le privé, la hausse des salaires entrainerait un surcoût de 10 milliards pour les entreprises, assure M. Coquerel.

Effectivement, le FdG ne chiffre pas ses mesures. Sauf celles qu'il chiffre.



  • 500 000 places de crèche : 26,5 milliards d'euros
Pour la petite enfance, le programme de M. Mélenchon prévoit notamment de"mettre en place un vaste 'plan crèche' pour créer 500 000 places publiques d'accueil de la petite enfance pour les enfants de 0 à 3 ans".Une mesure que l'on peut estimer à 3,1 milliards d'euros par an environ, pour un coût cumulé de 26,5 milliards sur cinq ans, selon les chiffres fournis par l'Institut de l'entreprise, qui réunit depuis 2007 une cellule de chiffrage des programmes des principaux candidats à la présidentielle.

J'ai été curieux, je suis allé voir qui constituait cet anecdotique "Institut de l'entreprise", et j'ai trouvé ça :

Président du conseil d'orientation : Xavier Huillard, PDG de Vinci

Au conseil d'orientation: Philippe Carly, Groupe Amaury. Henri de Castries, AXA. Françoise Gri, Manpower (youpi l'intérim.) Henri Proglio d'EDF, l'ami embarrassant de monsieur Sarkozy. Ernest-Antoine Seillière (après on va dire que je le fait exprès…)

Je passe sur le reste, qui est disponible là, si ça vous intéresse :http://www.institut-entreprise.fr/index.php?id=49

Nous avons donc là un casting directement tiré de "l'oligarchie des incapables." Ces personnes sont sûrement très fortes pour accumuler du patrimoine, mais ça ne fait d'eux ni des économistes, ni des chercheurs. Au mieux des consultants. Je ne vois pas en quoi cela leur prêterait la moindre compétence pour "chiffrer" les programmes des candidats. A plus forte raison quand autant des membres de cet institut sont notoirement du bord politique opposé particulièrement à Mélenchon, et globalement à l'économie régulatrice. 
Et puis, merde, quoi, Ernest-Antoine Seillière ? Vraiment ? Je le croyais trop occupé à essayer de sauver Wendel des placements bidons qu'il a fait au moment de la crise des subprimes. Mais je m'égare.

  • D'autres mesures plus coûteuses...
Parmi les autres réformes les plus onéreuses pour les dépenses publiques figurent aussi le remboursement à 100 % de toutes les dépenses de santé (évalué par le Front de gauche à 40 milliards d'euros annuels), la titularisation des 800 000 précaires de la fonction publique (7 milliards), la construction de 200 000 logements sociaux par an (16 milliards) ainsi que les mesures pour l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche chiffrées à 10 milliards (l'Institut Montaigne obtient un chiffre proche).

Je rappelle que le Front de gauche a donné un chiffrage global de ses recettes pour financer tout ça (par les nouvelles tranches d'impôt et la taxation massive des revenus du capital.) Soit tout simplement en assumant un Etat responsable, qui arrête d'aller emprunter sur les marchés financiers parce qu'il a la pétoche de demander un impôt à ses citoyens les plus riches. Car à la fin des fins, ça se résume à ça : soit vous imposer les riches, soit vous leur empruntez, mais dans tous les cas, c'est chez eux qu'il y a l'argent. Et un Etat responsable se finance par des impôts, pas par des emprunts. Sinon ce n'est plus un Etat, c'est un marché.

  • Renationaliser et créer des nouveaux
  • services publics : incompatible avec Bruxelles
Le candidat du Front de gauche a également de grandes ambitions sur les services publics puisqu'il souhaite que "le monopole public [soit] rétabli là où l'intérêt général le commande" (voir page 13 en PDF). Concrètement, il propose la création de onze nouveaux services ou pôle publics.
A savoir : un service public du logement, de l'habitat et de la ville (comprenant notamment un pôle public financier pour le logement social, un pôle public de la construction et une agence nationale foncière et décentralisée), un service public de la santé, un service public de l'information et de la culture, un service public du crédit et de l'épargne, un service public de l'eau, un service public de la formation professionnelle, un service public de la petite enfance, un pôle public du médicament (pour la recherche, la production et la distribution des médicaments), un pôle public bancaire et financier, un pôle national des transports publics, un pôle public des médias et un pôle 100 % public de l'énergie comprenant EDF, GDF, Areva et Total renationalisé.
Mais, "cette époque joyeuse" où l'on pouvait nationaliser à tour de bras est terminée, pour le constitutionnaliste Didier Maus qui juge que "ce qu'on a fait en 1981, 1982 n'est plus possible aujourd'hui", avec l'Union européenne. "L'obstacle n'est pas constitutionnel, les nationalisations sont autorisées, mais européen : la législation européenne est très anti-monopolistique et rétablir certains monopoles, comme dans les télécomes ou l'électricité, est impossible. Sauf à sortir de l'Union européenne", assure M. Maus.
Et il n'en est pas question pour M. Mélenchon qui souhaite cependant renégocier ou abroger un certain nombre de règles (traités de Lisbonne, Pacte de stabilité, Pacte pour l'euro, directive Bolkestein sur la libéralisation des services...). Mais de telles renégociations unilatérales au sein de l'Union européennes ne se feront certainement pas sans heurts. Sans compter que renationaliser tous ces services impliqueraient des indemnisations phénoménales, presqu'impossible à chiffrer. Toutefois, Jean-Luc Mélenchon pour qui "la France est très riche", expliquait déjà, en avril 2011 que "le service public ne coûte pas cher. Ce qui coûte cher, c'est pas de service public".

Ah, on en vient au fond du problème… En gros, ça ne se fera pas "sans heurts." Mais qui a déjà prétendu une chose pareille ? Croyez-vous qu'on parle de révolution citoyenne par amour du slogan ? Bien sûr, qu'il faudra convaincre. Ca s'appelle la négociation. Est-ce qu'on risque d'échouer ? Oui. Est-ce qu'on risque de braquer certains gouvernements étrangers ? Sans doute. Et donc ? Sommes-nous si frileux que ça ? L'enjeu en vaut la chandelle ! Et si nous avons le choix entre ça et le destin de la Grèce, est-ce qu'il y a à hésiter si longtemps ?
L'Europe est mal construite. Tout le monde l'admet. Ce que nous proposons de faire tente beaucoup de monde, et rien ne nous dit non plus que nous ne recevrions pas de nombreux soutiens. 
Quand au prix des services publiques, on est sûrs que le secteur bancaire, maintenu en vie depuis quatre ans par la bonne grâce des perfusions du secteur public, sera ravi de nous retourner la faveur. De gré, ou de force par emprunt forcé. Si ça lui fait trop mal, la BCE lui imprimera la monnaie.


Recette et impôt à 100 % : impose une modification de la Constitution Côté recettes, le Front de gauche assure avoir prévu les mesures nécessaires pour financer ses propositions dans "un programme qui rapporte plus qu'il ne coûte" car il aurait le mérite de "réinjecter de l'argent dans l'économie". La mesure pour le smic, qui aurait, selon M. Mélenchon, pour effet de relancer laconsommation, puis la croissance, "c'est 30 milliards de hausses de salaire" et"180 000 emplois supplémentaires la première année", calcule-t-il.
"Notre programme relancera l'activité en étant basé sur le partage des richesses, grâce à une augmentation des salaires et une réforme fiscale drastique sur les revenus du capital", assure M. Coquerel. Le montant total des dépenses supplémentaires est évalué à 120 milliards, et celui des recettes entre 150 et 200 milliards, "après la mise en place de toutes les réformes", précise le conseilleréconomique de M. Mélenchon, Jacques Généreux.
Trois dispositifs permettraient de récupérer de l'argent. La suppression de la plupart des niches fiscales et sociales rapporterait, selon le parti, de 120 à 140 milliards d'euros; la possibilité donnée à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Banque de France de "monétiser la dette" permettrait, en principe, selon le Front de gauche, d'économiser les quelque 50 milliards d'euros d'intérêts annuels générés par le recours aux marchés financiers. Enfin, avec la création de neuf nouvelles tranches d'impôts et d'un taux d'imposition à 100 % pour les revenus supérieurs à 360 000 euros par an et par part fiscale, le parti de M. Mélenchon espère un rendement de 20 milliards par an.
C'est cette dernière proposition qui pose le plus problème d'un point de vue constitutionnel, l'impôt ne pouvant être confiscatoire. D'ailleurs, la tranche à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d'euros que le candidat socialiste François Hollande souhaite créer court déjà le risque de l'inconstitutionnalité.
La proposition du Front de gauche de taxer les revenus à 100 % au-dessus de 360 000 euros annuels s'entend "par part" et non par foyer fiscal, a précisé dimanche François Delapierre, directeur de campagne de M. Mélenchon, confirmant une information du site Arrêt sur Images. Cela minore donc la portée de cette mesure, qui deviendrait moins "confiscatoire" pour les riches contribuables.
Avec ce mode de calcul, un couple avec deux enfants touchant au total un million d'euros par an pourrait diviser cette somme par nombre de parts fiscales, soit dans ce cas trois parts (deux pour les parents, une demie par enfant), souligne le site d'Arret sur images. Sur leur déclaration fiscale commune figurerait ainsi la somme de 333 333 euros, inférieure au montant duquel M. Mélenchon dit vouloir"tout prendre".
Mettre en place un taux d'imposition à 100 % serait "un vrai risque" d'après le spécialiste du droit constitutionnel Didier Maus, qui assure que "le problème constitutionnel ne peut être évité". Mais il reste prudent : "par définition, un taux à 100 % est confiscatoire mais les modalités sont très importantes pour juger de la constitutionnalité. Il faut prendre en compte deux éléments : le taux mais aussi le seuil et, a priori, le seuil de 360 000 euros par an me paraît plutôt très bas...".
Cela étant dit, de la même manière qu'il souhaite de toute façon renégocier les traités européens, M. Mélenchon veut instaurer une VIe République et une nouvelle Constitution ; une manière de contourner le problème de l'inconstitutionnalité.

MAIS. 
Donc je ne comprends pas, journaliste. Tu avais vu la volonté d'écrire une nouvelle constitution, journaliste. Tu savais que ton argument était caduc, journaliste.
Journaliste, est-ce que tu n'aurais pas un peu lutté pour écrire le nombre de signes qu'on t'avait commandé pour ton article ?
C'est la seule explication possible à cet éblouissant numéro d'acrobatie consistant à dire en début d'article que le plus gros problème est la potentielle inconstitutionnalité des mesures, et lâcher laconiquement en deux lignes à la fin que, puisque de toute façon on veut changer la constitution, ce reproche relève de la science-fiction.

Ou d'une certaine mauvaise foi, mais on va faire semblant que non, hm ?

Une augmentation du smic ne serait pas non plus aisée à appliquer dans le privé. Invité le 25 septembre 2011 de l'émission "Capital" sur M6, M. Mélenchon avait convenu lui-même que sa proposition comporte "des difficultés" d'application, et devrait être adaptée en fonction de la taille des entreprises.


Oui, donc voilà, on accompagnera les entreprise, je l'ai déjà dit au-dessus.


Jean-Luc Mélenchon à "Capital" sur M6 par lepartidegauche
Face à ces réserves, le Front de gauche assume ses propositions et sa "politiquede relance de l'activité". "Nous ne savons pas si notre projet fonctionnera, mais nous sommes sûrs que la rigueur est catastrophique", dit M. Coquerel. Selon lui, ce programme, qui "détonne" dans la campagne, explique en grande partie le succès actuel du tribun de la gauche radicale.
Interrogé par un lecteur du Parisien sur le coût de sa mesure en faveur des crèches, M. Mélenchon répondait le 10 mars : "Cela coûte des sous, oui, mais à la fin cela rapporte du bonheur."

Tout ce qui est chiffrable est donc chiffré, très rigoureusement, et les dépenses sont estimées dans leur fourchette haute pour être sûr. Pour le reste, comme on n'a pas de boule de cristal, et que les prévisionnistes se trompent tous les mois, on ne s'amuse pas à faire des projections délirantes d'optimisme sur la croissance économique comme seuls arguments pour financer un programme (suivez mon regard.)

Et enfin, je voudrais dire un dernier mot sur la dernière citation de Méluche sur le bonheur, splendidement posée là pour donner l'image d'un candidat qui plane. 
Ce n'est ni de l'utopie, ni de l'angélisme. C'est du réalisme sur la nature humaine, la façon dont les êtres humains mènent leur vie et leur travail, et le rôle des services publics dans cette histoire. L'erreur fondamentale de la philosophie néo-libérale vient de la sur-évaluation de l'enthousiasme extatique que la réussite professionnelle et financière est sensée procurer à l'individu, et de la mauvaise compréhension du phénomène de peur du déclassement, uniquement intégrée dans le raisonnement comme motivateur d'effort au travail. Dans cette logique, un travailleur précaire doit toujours être vigilant à l'état du monde qui l'entoure. Là encore, cela fait partie de l'idéal humain libéral : un individu motivé, fier, indépendant, attentif à toute opportunité. 

Mais si nous sommes dans un monde où, hors du salaire, point de salut ? Si notre individu, perpétuellement obligé d'observer son monde, constate à chaque seconde que s'il chute, aucun filet n'existe pour le rattraper et le faire rebondir ? Il se retrouve alors dans la position d'une proie qui entend perpétuellement les bruits de course du prédateur derrière elle. Si elle s'arrête, elle est morte, et elle le sait.

C'est une situation, certe, motivante.

Mais pour lui, pas de bonheur. Jamais. Uniquement la fuite en avant.

Je termine mon analogie en revenant sur l'histoire du tassement des salaires. Passé un certain degré de destruction des services publics, le salaire n'est plus une condition de bonheur, mais uniquement de survie, quelle que soit la générosité de la paie. Avoir le plus haut salaire possible répond à une ambition négative - être sûr de ne pas mourir en essayant de distancer les autres. Ici, nul accomplissement personnel, nul épanouissement, nulle dévotion au collectif. Lequel collectif, ayant cessé de fournir à l'individu la chaleur de la solidarité, n'est plus que le groupe des autres hommes, potentiellement concurrents et prédateurs.

C'est à la nécrose de l'idée de nation que nous devons répondre en réhabilitant les services publics. Ce n'est pas un luxe. C'est LA priorité. L'argent pour le faire DOIT être trouvé. Nous pouvons exploser en essayant de le trouver. Mais nous exploserons à coup sûr si nous n'essayons pas.